La place centrale de Torjok, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Près d'Ekatérinbourg, le mémorial à la famille impériale. Photo Elena Jourdan Une église dans la région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Isba restaurée - Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Isba - village de Koultouk - lac Baïkal - Photo : Elena Jourdan Isba - Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Un village dans la région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Paysage de Khakassie - Photo : Elena Jourdan La tombe de Chaliapine - Cimetière du monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal : lieu chamanique sur l'île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan Paysage typique - Sibérie- Photo : Elena Jourdan
La source de la Volga, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Krasnoïarsk - Parc naturel "Stolby" - Photo : Elena Jourdan Le lac Seliguer, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. "Na prestole" (fresque) - Exposition au monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal - île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Un lac dans les Sayans - Photo : Elena Jourdan Isba - Krasnoïarsk - Photo : Elena Jourdan La Moscova à Moscou, monument à Pierre le Grand de Tsérétéli. Photo Philippe Comte, été 2004. Lors du concours de lutte traditionnelle "hourej", dans la République de Touva - Photo : Elena Jourdan Entre Moscou et l'Oural, vue du train. Photo Philippe Comte, été 2004.

Accueil > Notre association en détail > La vie de l’association : Bulletin de liaison comptes rendus des activités > ARCHIVES > Rapport moral du Président de l’AFR, prononcé à l’AG du 18 novembre 2012

Rapport moral du Président de l’AFR, prononcé à l’AG du 18 novembre 2012

jeudi 17 janvier 2013, par Alain Slanoski


Chers Adhérents,

Durant cette année de mandat, vos élus ont accompli vaille que vaille leur tâche et, en votre nom à tous, je les en remercie chaleureusement. On a un peu tendance à oublier, avec l’habitude, qu’il s’agit d’une activité bénévole, soumise aux rythmes de la vie.

Quatre réunions ont ponctué l’année : du CA les 14 janvier et 12 mai, et du bureau élargi aux « Parisiens » les 10 mars et 29 septembre. Un rythme normal, certes, mais le taux de participation est en baisse : guère plus de la moitié des membres du CA sont présents aux réunions.
Pour employer une métaphore empruntée au vocabulaire de l’architecture militaire du Moyen-Âge, toutes les « poivrières », ces postes de tir circulaires placés en surplomb sur les tours angulaires des châteaux-forts, ont été tenues ; cependant, certaines d’entre elles méritent une attention particulière devant vous, car elles sont ô combien chronophages et demandant une attention, un souci quasiment quotidiens, comme disent nos adolescents, elles « prennent la tête ». Ce sont :

  • la Trésorerie, tenue à bout de bras par un Trésorier complètement débordé par sa tâche professionnelle, celle qui le fait vivre, pas la caisse de l’AFR, qui est pourtant remarquablement tenue ;
  • les Olympiades, closes cette année, faute de quatrième tour à Moscou, par une jolie fête organisée par l’ambassadeur de Russie dans sa résidence privée le dimanche 18 mars. Marie-Hélène Farin a, pendant deux ans, emmené tout un groupe de charme et de choc vers la superbe réussite de ce troisième tour parisien en mars dernier. Secondée par Sylvette Soulié, elle s’active actuellement pour trouver une juste récompense aux neuf lauréats, en lieu et place du voyage en Russie, qui n’aura pas lieu, la partie russe ayant renoncé sans explication au quatrième tour à Moscou ;
  • le Site, abondé formidablement par Sylvette Soulié et Elena Jourdan, qui a par ailleurs consacré beaucoup de temps à la Liste de diffusion, son entretien et sa mise à jour ;
  • la Revue, dont le comité de rédaction s’est réuni le jeudi 5 avril : il est vrai que le passage à la mise en ligne des articles tarde un peu, mais cela devrait venir, comme nous le dit la Rédactrice en chef, Véronique Jobert, empêchée, dans un texte que je lirai tout à l’heure en son nom ;
  • il y la « poivrière » du Bulletin, qui impose à Alain Slanoski un « coup de bourre » trois fois par an : Alain a un doigté particulier, vous l’avez remarqué, pour rédiger d’exquises lettres de rappel ;
  • enfin il y a les relations extérieures de l’AFR, où s’affaire en particulier Hélène Méar : relations avec le « Galet », cet organisme issu de la concertation des sociétés savantes et associations de langues vivantes et anciennes, réunies une fois par an en un forum. Contact a été établi avec l’association des Amis du Patrimoine russe, représentée parmi nous par Madame Olga de Narp, que j’ai rencontrée en septembre dernier ;
  • et le concours « Ma Russie », qui a beaucoup mobilisé Sylvette Soulié à partir de la rentrée de septembre, une Sylvette qui a l’œil elle-aussi sur de très nombreuses « poivrières ».

Le rôle du président, cette année, a été moins chronophage sans pour autant que la « prise de tête » diminue vraiment pour lui ; la fonction de président, c’est au fond d’avoir l’œil à tout et d’avoir un œil sur tout : au sommet de son donjon, il pivote, selon le moment, vers telle ou telle poivrière : il agit beaucoup par courriels, consulte, lit, répond, demande des précisions, puis invite à trancher ou tranche lui-même. Voici une liste presque exhaustive de ces démarches par courriels ou courriers postaux :

  • la lettre/courriel de « recadrage » à la Liste de diffusion du 14 janvier, suivie d’une lettre de rappel le 15 mai et d’un mail le 17 septembre pour annoncer mon départ de la présidence ;
  • la signature de l’AFR apposée au bas de la lettre collective du « Galet » aux deux ministres, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, lettre qui sera publiée dans le prochain numéro du Bulletin ;
  • un mail de relance à Boris Czerny, Maître de conférences de russe à l’université de Caen, pour les Doctoriales de l’automne 2013, sur le très beau thème « Le populisme : servir le peuple ou s’en servir ? » ;
  • une lettre à l’ambassadeur de Russie pour lui demander de bien vouloir recevoir les lauréats des Olympiades et les professeurs ;
  • une lettre à Madame la Rectrice de l’académie de Caen, pour appuyer une réorganisation des postes de russe sur place.

J’ai également participé à la réunion du Comité de rédaction de la Revue Russe, suivi les échanges de courriels autour des Olympiades, du concours « Ma Russie » et participé aux échanges, suis allé régulièrement relever le courrier postal de l’AFR à notre siège social, avec renvoi consécutif après tri à notre Trésorier ; j’ai échangé une bonne vingtaine de courriels avec les organisatrices du congrès de Bordeaux, Pascale Mélani et Sylvette Soulié, j’ai rédigé les invitations officielles au nom de l’AFR pour les intervenants russes et les ai adressées aux destinataires, y compris à nos amis des éditions Zlatoust ; enfin, j’ai rédigé, après deux mois de procrastination, la lettre au président de la République, que je vous lirai après ce rapport et le vote qui s’ensuivra.

Grosso modo, cette année encore, je n’ai pas le sentiment d’avoir démérité, même si j’ai adopté un mode plus mineur. Reste que l’essentiel des tâches a été accompli par la « bande des quatre » : Sylvette, Marie-Hélène, Elena et Richard.

Et demain ? Je passe maintenant aux perspectives immédiates. C’est une véritable hémorragie qui attend le bureau de l’AFR dans les semaines qui viennent :

Le président actuel ne briguera pas un cinquième mandat ; il a été élu en mai 2004, à la suite de l’AG de Clermont-Ferrand, et il aura donc effectué quatre mandats, huit ans et demi aux manettes : basta cosi ! Je veux à cette occasion remercier tous ceux, membres des Comités successifs, des Bureaux successifs, aux côtés desquels j’ai agi pendant huit ans. Je vous ai beaucoup aimés et j’ai passé de très bons moments avec vous. Rien ne rapproche et ne soude autant que de faire œuvre commune !

Le trésorier Richard Brunet rend aussi son boulier : il n’en peut plus de tout faire et doit se concentrer sur son métier, sur les commandes de sa société. Nous voyons donc partir le seul petit patron qu’ait compté l’AFR, et qui a été le sujet d’un double miracle : le premier miracle, c’est que les professeurs que nous sommes l’aient supporté, et le deuxième miracle est encore plus impressionnant, c’est que lui-même nous ait supportés ! Quelle gageure ! Richard Brunet a relevé le double défi avec finesse et élégance et je regrette vraiment qu’il nous quitte : son sourire malicieux et bon nous manquera !

Elena Jourdan, notre Webmestre, veut aussi se consacrer à son travail et à sa famille : quel énorme travail elle a accompli pendant toutes ces années ! Elle a été le peintre discret du nouveau visage de l’AFR. Transformant son clavier en pinceau, elle a dépoussiéré l’AFR, lui a donné le visage désormais connu et apprécié de son site.

Alors permettez-moi de tirer le bilan de cette période de huit ans : nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. L’AFR est maintenant plus largement connue, « elle a pris le tournant de la modernité » comme on dit dans les journaux, a su mobiliser bien au-delà de son milieu pour sauver l’Agrégation, a créé son site, a créé les Doctoriales de l’AFR, fait de sa revue une publication sérieuse et « solidnaïa », renforcé les contacts avec ses consœurs, organisé deux concours à destination du Primaire et du Secondaire, entretenu des relations cordiales avec les Inspectrices générale et régionales, avec le Centre culturel de Russie à Paris, avec l’ambassade de Russie ; sa liste de diffusion est devenue un lieu d’échanges irremplaçable entre russisants ; nous avons aussi adapté les statuts et rafraîchi le règlement intérieur. Et nous avons organisé de passionnants colloques publics : souvenez-vous du congrès de Clermont-Ferrand en mai 2004, où nous avons tant chanté, de celui de Paris, en novembre 2006, avec la SOFARUS et la présence d’Hélène Carrère d’Encausse, de celui de Rennes en novembre 2008, de celui de Caen en novembre 2010, où nous avons tant dansé !

Mais il y a deux domaines où nous avons échoué et il faut le reconnaître :

  • la formation professionnelle : 12 collègues avaient répondu présent à mon appel il y a plus d’un an. Nous n’avons rien pu faire, faute de bras ;
  • le russe dans le Secondaire : nous sommes impuissants à enrayer sa lente érosion. Le Capes de russe n’est pas ouvert en 2013-2014. L’une des tâches les plus urgentes de la nouvelle équipe sera, à mon avis, de prendre à bras le corps la bataille pour le rétablissement du Capes, peut-être en lançant une nouvelle pétition ? Nous avons fait ce que nous avons pu, mais notre échec était programmé : difficile d’aller contre l’esprit du temps. La langue russe, même si sa dimension « affaires » est évidente, est une langue de culture, et la culture, c’est bien connu, comme la lecture de La Princesse de Clèves, cela ne sert à rien...

Tel est le temps dans lequel nous vivons : celui de la démission des élites dirigeantes et de leur lente dégradation intellectuelle et morale. Mais rien ne nous oblige, nous, les simples citoyens, à obtempérer à cette démission. Nous devons et nous pouvons relever le flambeau et nous appuyer pour cela, entre autres, sur les mots de deux grandes dames du XXème siècle :

  • d’Hannah Arendt, qui définit la culture comme « la disposition à s’entretenir avec soi-même, à se donner rendez-vous », et dont toute l’œuvre proclame le lien de causalité entre culture et imagination, et affirme l’importance vitale de cette dernière. Pour ma part, j’ajouterais à ces fortes paroles un modeste codicille : être cultivé, c’est aussi avoir développé en soi l’empathie, la capacité à se mettre à la place d’autrui, à se quitter soi-même ;
  • de Karen Blixen, qui disait : « Ce sont les gens sans imagination qui sont les pires ».

Il y a encore un demi-siècle, l’élite de notre pays connaissait sa dette à la culture russe : en témoigne avec éclat la correspondance entre Mauriac et Pompidou, qui savaient tous deux ce que leur compréhension du monde contemporain devait aux Possédés de Dostoïevski.

Un peu loin encore dans le passé, il y aura bientôt un siècle, l’élite de la France savait encore exprimer sa reconnaissance, par la voix du maréchal Foch par exemple, qui rendait ainsi hommage au sacrifice russe d’août 1914 : « Si la France n’a pas été effacée de la carte de l’Europe, c’est avant tout à la Russie qu’elle le doit ».

Alors oui, face un ex-ministre russe de l’Éducation, Foursenko, qui osait dire : « Ce ne sont pas des citoyens pensants que nous devons former mais des consommateurs empressés », face à un ancien président français qui déclarait la haute culture comme inutile, face à un ministre français de l’éducation nationale en exercice, qui ne trouve rien de plus pressé que de dire, le 14 octobre dernier, soit un mois après sa première rentrée scolaire, que le dépénalisation du cannabis est un « sujet majeur », que « la question [de la dépénalisation] est posée », et que « le débat doit avancer sereinement », face à une telle démission, de l’Atlantique au Kamtchatka, il faut tenir bon sur le môle de la culture, quelle qu’elle soit, la nôtre, la russe, les autres.

Philippe Comte, 18 novembre 2012



Près d'Ekatérinbourg, le mémorial à la famille impériale. Photo Elena Jourdan


Éditeur du site : Association Française des Russisants
Directeur de publication : Sylvette Soulié, Présidente de l'AFR
Webmestre : Sylvette Soulié