Entre Moscou et l'Oural, vue du train. Photo Philippe Comte, été 2004. Krasnoïarsk - Parc naturel "Stolby" - Photo : Elena Jourdan Isba - Krasnoïarsk - Photo : Elena Jourdan Près d'Ekatérinbourg, le mémorial à la famille impériale. Photo Elena Jourdan "Entrée dans Jérusalem" (fresque) - Exposition au monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan La Moscova et la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou, depuis le parc Gorki. Photo Philippe Comte, été 2004. Isba - village de Koultouk - lac Baïkal - Photo : Elena Jourdan "Na prestole" (fresque) - Exposition au monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal : lieu chamanique sur l'île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan Le lac Seliguer, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Paysage typique - Sibérie- Photo : Elena Jourdan
Paysage de Khakassie - Photo : Elena Jourdan Le monastère de Torjok, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. La source de la Volga, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. La tombe de Chaliapine - Cimetière du monastère Novodevitchi, Moscou - Photo : Elena Jourdan Isba - Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Un lac dans les Sayans - Photo : Elena Jourdan Lac Baïkal - île d'Olkhon - Photo : Elena Jourdan La place centrale de Torjok, région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004. Lors du concours de lutte traditionnelle "hourej", dans la République de Touva - Photo : Elena Jourdan Irkoutsk - Photo : Elena Jourdan Un village dans la région de Tver. Photo Philippe Comte, été 2004.

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Témoignage de Valérie Bremond

mardi 30 avril 2013, par Sylvette Soulié


Interview de Valérie Bremond, par Véronique Jobert, Professeur émérite Université de Paris-Sorbonne

Véronique Jobert : Valérie, je te connais depuis si longtemps, que je n’ose dire à quand cela remonte. Toujours est-il que tu as commencé le russe avec moi en 4ème 2ème langue au collège Delory de Boulogne-Billancourt, qui fut le second poste de ma carrière d’enseignante du second degré. Ta passion pour le russe remonte-t-elle à cette époque, ou bien as-tu pris la décision d’entreprendre des études supérieures de russe plus tard ? Pourrais-tu nous retracer à grands traits ton cursus universitaire ?

Valérie Bremond Ma classe de 4-ème remonte en effet à 1974, soit 40 ans l’an prochain ! J’adorais les langues, en 6-ème et 5-ème je voulais être prof d’anglais, dès que j’ai commencé le russe, j’ai voulu être prof de russe... Dès la fin de la 3-ème nous avons retrouvé de la famille en Russie et j’ai fait mon premier voyage avec France-URSS à l’été 1976. Je suis revenue avec l’accent de Krasnodar (ce qui m’inquiéta en tant que professeur de russe, et que je m’efforçai d’éradiquer !V.J.) et avais déjà compris que je retournerai souvent dans ce pays. J’y suis retournée ensuite régulièrement en été. J’ai souhaité faire des études à Leningrad ou j’avais une partie de ma famille et me suis inscrite à l’Université via l’association Rodina (ce qui inquiéta cette fois-ci les professeurs d’université de Valérie, qui m’en firent part lors d’une conversation téléphonique. V.J.), grâce à ton aide et à celle d’Irène Commeau mère. J’ai plongé dans une réalité complètement différente de la mienne et deux expériences m’ont marquée. La première au décès de ma grand-mère, lorsque je demande au Dekan (directeur de l’université) l’autorisation d’aller en France en décembre. La Dekan était une femme très agréable, mais avec des principes très soviétiques... Elle me dit que je dois d’abord demander l’autorisation à mon consulat (comme le faisait tous les ressortissants des pays de l’est). Je me souviens encore des yeux ronds que m’a faits l’attachée consulaire, son premier réflexe fut de refuser, puis, comprenant que j’avais absolument besoin d’un papier pour obtenir mon visa de sortie, elle me délivra la traduction de la dernière page du passeport qui stipule qu’il est remis au ressortissant français pour lui permettre de voyager librement a l’étranger... Munie de ce papier, je vais voir la Dekan qui ne cacha pas sa surprise qui me parut tout à fait sincère... Le deuxième moment fut l’annonce du décès de Brejnev, suivie d’une panique dans le foyer déclenchée par le Студсовет (conseil des étudiants) qui voulait s’assurer que personne n’avait l’intention de prendre le pouvoir. Le jour des obsèques je me suis retrouvée au milieu du pont qui reliait l’ile Vassilievski à mon foyer et j’ai dû m’immobiliser une minute par -20° avec les voitures et les piétons sous l’œil attentif d’un milicien… J’ai pris conscience de l’ampleur du système soviétique…En rentrant en France, j’ai complété mes études de russe par des études de commerce international et me suis lancée sur le marché de l’emploi….

V.J. Depuis combien de temps ton activité professionnelle est-elle liée à la Russie ? Quelles en furent les étapes ? Depuis combien de temps es-tu installée à plein temps en Russie ?

V.B. Pas facile de trouver en 1985 un job en liaison avec la Russie et j’ai dû attendre 1990 pour créer AJ-Est avec une amie. Nous avons démarré en aidant les entreprises à comprendre la nouvelle donne de la Russie, les centrales d’achat disparaissaient et il devenait possible de traiter en direct et pour cela la connaissance de la langue russe nous a énormément aidées... Très vite nous avons développé un courant d’affaires entre de nouveaux interlocuteurs russes et nos clients français... Puis nous nous sommes focalisées sur le marché des systèmes de paiement et avons développé un vrai marché en introduisant les premières cartes bancaires en Russie. A cette époque, je me rendais en Russie une semaine sur deux et ai dû jongler avec ma vie familiale (mes fils sont nés en 1992 et 1995) et les voyages bimensuels. J’ai vendu la société au groupe Ingenico en 1996 (deux ans avant la crise de 1998) et ai poursuivi ma carrière dans le groupe en m’occupant d’abord de la distribution en Russie et dans l’ensemble des pays de l’Est , puis des fusions-acquisitions dans le groupe, ce qui m’a amenée peu a peu a mon nouveau métier, en comprenant l’importance du facteur humain dans les réussites d’entreprises... Ce n’est qu’à la fin 2007 que j’ai décidé de venir m’installer à plein temps en Russie en y emmenant mes enfants, âgés à l’époque de 13 et 16 ans.

V.J. Quels sont les avantages, les atouts que représente à ton avis pour des jeunes une carrière en Russie ?

V.B. Pour des jeunes, la Russie représente toutes les opportunités d’un pays en pleine croissance. Les entreprises ont beaucoup de mal à recruter de jeunes talents et multiplient les offres attractives... Évidemment, la connaissance du russe devient obligatoire, bien que certains jeunes expatriés arrivent encore sans connaître la langue... Il est également de plus en plus possible de venir se faire embaucher sous contrat local ou de créer, voire reprendre une affaire. Les avantages pour un jeune, si l’on compare à la France, c’est qu’il va trouver un logement sans constituer un dossier avec caution et fiches de salaire ; du moment qu’il paie son loyer on ne lui demandera rien de plus...Pour un repreneur ou un créateur d’entreprise, cela a été le cas de mon partenaire Jérôme, puisque nous avons racheté une entreprise il y a 2 ans et qu’il est venu la diriger, il a obtenu sans difficulté un permis de travail VKS (высококвалифицированный специалист, c’est-à-dire spécialiste hautement qualifié) en moins d’un mois avec un visa à entrées multiples de 3 ans… Ses ascendants et descendants en bénéficient également… Je ne reviendrai pas sur le niveau des impôts et charges sociales qui a été largement commenté avec l’affaire Depardieu… Les jeunes bénéficient également d’une vie nocturne très animée et, ce qui n’est pas négligeable, de l’ouverture 24h/24h des magasins d’alimentation ou 7jours /7 des coiffeurs et autres prestataires de service… Ces derniers points sont également appréciés par les moins jeunes.

V.J. Quels inconvénients, quelles difficultés risque-t-on d’y rencontrer ? Comment les éviter ou les surmonter ?

V.B. Il existe certainement des inconvénients et des difficultés, mais j’ai du mal à en trouver qui soient spécifiques à la Russie. Cela me permettra de faire la transition avec le point 5. L’homme n’est pas la créature des circonstances, ce sont les circonstances qui sont les créatures des hommes. Cette phrase de Benjamin Disraeli résume à elle seule mon approche des difficultés. Sans y faire à l’époque vraiment attention, il m’est arrivé en 1996 une histoire dont je me souviens encore et qui m’aide dans les périodes difficiles. Je terminais un déplacement Léningrad- Moscou et étais arrivée le matin par le train à Moscou pour prendre l’avion le lendemain pour Paris. En arrivant à Moscou, je m’aperçois tout d’un coup que j’avais oublié de récupérer mon passeport à l’hôtel à Leningrad... Branle-bas de combat, j’appelle ma représentante à Leningrad qui s’en va le chercher et tenter de me l’envoyer par le проводник (le préposé au wagon) du prochain train. Malheureusement, personne n’avait accepté de transporter un passeport étranger et quelle ne fut ma déception le lendemain matin de devoir envisager d’annuler mon vol pour Paris… C’était un vendredi et je devais libérer la nourrice et retrouver mes enfants pour le w-e ; la seule idée de ne pas pouvoir rentrer me rendait malade… Je décidais de tenter ma chance et, après avoir obtenu un papier du consulat français, je me présentais devant le пограничник (police des frontières), sûre qu’il ne m’empêcherait pas de prendre mon vol. Je me souviens encore de l’étonnement de Dimitri, alors conseiller économique du consulat de Leningrad, quand il me rapporta mon passeport la semaine suivante à Paris : comment as-tu fait pour sortir sans passeport ? Cette conviction que tout est possible m’a beaucoup aidée et a été notamment à l’origine de mon départ en juillet 2008 pour Moscou, sans contrat de travail à l’époque, et avec 2 enfants à charge…

V.J. Explique nous en quoi consiste ton métier actuel.

V.B. Mon métier actuel est lié à ce que je viens de raconter. C’est à la lecture d’un livre d’Antony Robbins “Pouvoir illimité” que j’ai compris qu’il y avait deux façons d’aborder les difficultés : en répondant à la question pourquoi ? Ou bien en répondant a la question comment ? Si je me demande pourquoi je ne peux pas faire quelque chose, j’obtiens des réponses différentes de celles que j’obtiens si je me demande comment je peux y arriver... Cette approche très simple est beaucoup plus difficile à appliquer qu’il n’y paraît puisqu’elle touche à ce que j’appelle les croyances, c’est-à-dire à notre vision du monde... En élargissant notre vision du monde et en étant prêt a remettre en cause nos croyances ou convictions, nous avons plus de choix dans nos comportements et pouvons atteindre des objectifs qu’il nous paraissaient hors de portée... Le coach que je suis devenue après une formation passionnante en France dans une école canadienne a pour mission d’aider les dirigeants et leurs salariés a puiser en eux les ressources tout en se libérant de leurs propres limitations pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés.

V.J. Pourrais-tu nous parler des retombées médiatiques de ton succès professionnel en Russie ?

V.B. Je n’accorde que très peu d’importance aux retombées médiatiques qui ne me sont pas utiles dans mon travail et m’y plie uniquement lorsque je suis sollicitée… d’où peut-être le temps mis à te répondre.

V.J. Quels conseils donnerais-tu à des jeunes s’engageant dans une carrière internationale qui seraient tentés par la Russie ?

V.B. Pour les conseils, ils peuvent se référer à l’article que j’ai écrit sur ce qu’il me semble important de définir pour se lancer dans la vie professionnelle... http://www.forbes.ru/forbes-woman-column/zhenshchiny-v-biznese/78718-sozdana-li-ya-dlya-karery

Consulter la biographie de Valérie Bremond :

Moscou, avril 2013



Un lac dans les Sayans - Photo : Elena Jourdan


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Directeur de publication : Sylvette Soulié, Présidente de l'AFR
Webmestre : Sylvette Soulié